Bègue et alors?

Brigerton Chronicles a frappé les esprits au travers de la série éponyme sur NETFLIX. Voici encore un contenu qui évoque la dernière sortie de Shonda Rhimes en Décembre 2020, entre articles, vidéo, podcast, débats multiples il y’a eu de quoi faire en un mois.

J’ose croire que Julia Quinn (l’auteur) est contente d’avoir cédé les droits d’adaptation parce que les personnes comme moi vont surement acheter ses 8 livres tôt ou tard. Oui, au contraire de beaucoup, j’aime les romans historiques; Les œuvres de Barbara Cartland (entre-autre) n’étaient pas de la grande littérature comme certains le conçoivent mais elles permettaient à beaucoup qui n’avaient pas accès aux bibliothèques ou à la connaissance d’autre chose, pendant certaines périodes de leur vies, de garder un pied dans la lecture. Une lecture qui correspondait en parti à leur intérêts. Romans à l’eau de rose sur fond historique, c’est semble t’il ce qu’écrit Mrs Quinn, le mot clé étant ici « Historique ». Beaucoup négligent les apports de ce type d’ouvrage dans la connaissance de l’histoire et la culture sur tout les plans, d’un monde qui n’est pas notre mais nous a tellement impacté.

« L’Histoire est la connaissance du passé basé sur les écrits », quiconque a fait ses études secondaires au Cameroun dans les années 90 connait cette citation. Je pourrai avec du recul poser la question de la place de la connaissance des peuples de tradition orale mais ce sera un sujet pour une autre fois. Alors oui j’aimais l’histoire et c’est toujours le cas. La grande comme la petite, celle des peuples comme celle des individus, racontée par les grands et les plus petits. Mieux que la construction des sociétés, l’histoire des individus est tout aussi importante. L’histoire de notre lignée… la notre… est à connaitre et donc à faire; qu’on l’épouse ou qu’on s’en détache, elle tricote la grande histoire de l’humanité.

Voila donc que répondant aux stories Instagram sur les relations amoureuses inspirées par le premier épisode de Brigerton la série, de ma chère Marie_Noelle_B, Befoune (au contraire de ses habitudes) nous produisait l’épisode 15 de son podcast Les Papotages de C. sur le même sujet. Précisément sur les mensonges en amour. Seulement voila: Befoune bégaie. Ce n’est pas l’annonce du siècle, je me permets de l’évoquer parcequ’elle même en déchainant l’humain en elle a pris le parti de libérer sa parole et sa voix. Je ne sais donc pas ce qui vous a le plus interpellé dans Brigerton, les sujets sont nombreux, mais le fait est que l’un des héros principaux bégaie. Simon Basset, Duc de Hastings (oui c’est comme ca qu’on libelle les noms d’aristocrates, je vous l’ai dit les romans historiques nous apportent des connaissances à foison) bégaie et pas qu’un peu, même à l’âge adulte selon l’œuvre originale.

Le Bégaiement… un peu, beaucoup, passionnément. Il s’avère que, peu de gens le savent ou le constatent lorsqu’ils me côtoient, je bégaie. Privilège familial semble t’il. Bègue et alors?

Image de MAX MBAKOUP, Photograhe camerounais

Un point marquant pour moi a donc été l’enfance du 2e personnage principal et sa différence, par extension aussi la parentalité (sujet cher à mon cœur). Dans le prisme qui nous est présenté, il est particulier de constater qu’un enfant tant attendu, tant désiré au prix d’une vie (celle de sa mère) fut de manière aussi violente et négative rejeté du fait d’une différence non visible. C’était un bel enfant, un garçon (honneur suprême à l’époque) symbole de survie et de perpétuation du nom; mais il bégayait. Du fait du rejet et de l’enfermement, il ne parlait pas ou peu pour éviter de s’exposer non pas à la vindicte populaire mais d’abord à celle de celui qui était sensé être son premier miroir et supporteur: son père. L’image, le positionnement, l’honneur, la perfection tout était là alors il valait mieux se taire que d’être source de la chute de toute une lignée. Voilà ce à quoi étaient/sont réduits les enfants bien souvent, le poids de la perpétuation. Voilà ce que sont nos sociétés, des lieux d’uniformisation des êtres et des choses, non prévus pour les particularités. Pourtant la vie n’est qu’une somme de particularités, de surprises et d’éclats lumineux. Alors comme Hastings, après une enfance peu positive et sans encadrement, beaucoup se taisent. Et à l’âge adulte subissent toujours les conséquences du désamour ou de la non-acceptation.

Comme la Famille Bridgeton, ma famille maternelle avait presque le même nombre d’enfants et certains bégayaient. Trois ou Quatre particularités sont communes aux membres de cette famille et le bégaiement est certainement l’une d’entre-elles, celle qui s’entend, celle qui empêche ou non de s’ouvrir au monde. C’est comme une marque de fabrique, un petit blason, ou une tache de naissance. A des degrés divers ou pas du tout, ses membres butent sur les mots ou cherchent leur souffle sous le coup de la colère (émotions fortes), du stress ou de manière permanente, ce qui fut le cas pour mon plus jeune oncle. Plus jeune il avait le phrasé le plus difficile qui soit butant à chaque mot. Il a connu l’expatriation dans des pays ou il était seul, ou les langues étaient gutturales si différentes du francais et de l’anglais (zone de confort). Les conversations téléphoniques avec lui ont toujours été des moments épiques mais personne ne l’interrompait jamais. Aucun jamais n’a eu un traitement de faveur, une facilité ou un passe droit, de même chacun avait la latitude de s’exprimer à son rythme. Au final, assurance familiale aidant, ils étaient presque tous devenus de bons orateurs en public, polyglottes (bilingue au minimum) souvent recherchés pour discourir.

Je sais aujourd’hui que je suis bègue et dyslexique. Des variantes plus ou moins prononcées de ces troubles existent. Les miens étaient relativement moins marqués que pour d’autres je pense et il est intéressant de constater qu’ils n’ont jamais été vraiment remarqués (niveau de connaissance des adultes?!) ou du moins présentés comme handicapants. Ce qui me permet de dire que la normalité est ce qu’on choisi de montrer et d’accepter comme tel, le sentiment d’appartenance à une famille ou un groupe est précieux, il facilite parfois l’expression de qui on est. Parceque j’avais cette partie de ma famille, je suis parti du principe que tout était sinon normal, mais du moins ordinaire. Ce n’est que l’école/la société qui nous rappelle qu’il faut faire un effort supplémentaire d’adaptation. Sans en avoir conscience ni processus volontaire, je constate avec beaucoup de recul que je me suis très vite adaptée seule avec ma différence sans jamais que ca créé un véritable probleme. Comme toutes les jeunes pousses j’ai observé l’environnement hostile et j’ai fait ce qu’il fallait pour y survivre de manière instinctive. Je me suis longtemps tue, du moins je parlais peu, surtout dans les grandes assemblées (mon agoraphobie y était aussi surement pour quelque chose). Je ne délivrai mes précieux avis qu’à ceux qui les sollicitaient et ils étaient nombreux à ma plus grande surprise. Je susurrais souvent plus que je ne parlais, et même aujourd’hui j’ai toujours une tendance à parler vite, bas ou à demi-mot.

La prise de parole en public devant une assemblée et faire entendre ma pensée se fait aisément depuis l’âge adulte soutenu par mon caractère de meneuse, une volonté féroce, mais ne se fait pas sans période de stress. Je n’ai toujours pas de podcast pourtant j’y pense depuis près d’un an, je ne fais pas de stories instagram ou IGTV à discourir pour diverses raisons dont celle-ci: je me suis habituée à ne pas parler de trop et surtout pas en milieu inconnu. Mais je me challenge désormais, du haut de la confiance de mes géniteurs en mes capacités ancrée très tôt en moi et de la confiance bâtie ces 15 dernières années en accomplissant des projets d’envergure et en menant des hommes, je parle plus et écris plus: interviews, invitations à des podcasts (2020 et 2021 sont riches de ce point de vue). A l’oral, discours improvisé: je butte toujours sur des mots, je me reprends, je dois respirer et parler moins vite. A la lecture je dois faire attention à ma propension à lire autre chose que les mots exacts ou à l’écrit à ne pas servir à mes lecteurs des phrases où il manque des mots alors que dans mon esprit la phrase est complète (d’où les coquilles dont je parle depuis le début de ce blog).

Oui il est précieux, lorsqu’on est jeune, le sentiment d’appartenance à une famille ou un groupe, même si c’est au travers d’une différence ou d’une particularité qui pose la question de l’adaptation dans un monde qui ne nous correspond pas. Il rassure, permet souvent d’etre et dans le meilleur des cas plus tard d’avoir la force dans ses racines d’aller explorer la multitude de ses possibilités.

Alors à chacun d’oser être.. et aux autres de voir et d’entendre la beauté, la force et la richesse de la différence.

PS: Entre place de la femme, celle des hommes, la capacité ou non à faire des choix individuels et sortir de la masse, visibilité des noirs (les possibilités qu’offraient l’histoire contemporaine), la notion de consentement, l’éducation sexuelle, le désir ou non-désir de parentalité, l’éducation sexuelle, les relations amoureuses et familiales, ou encore les réalisations cinématographiques, les décors et la musique. Un nombre incalculable de thématiques peuvent être explorés.

Un autre épisode de podcast intéressant qui décortique certains sujets soulevés dans la série, est le numéro 118 « Quoi de Meuf » (Nouvelles Ecoutes)

2 réponses sur “Bègue et alors?”

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