Long-Distance Mothering ou Ma Maternité Hors-Cadre

Dans le monde des humains, tel que certains de mes contemporains le conçoivent, je suis une mauvaise mère. Ceci étant dit nous pouvons parler de choses plus intéressantes, la vie réelle par exemple.

Le plus difficile dans la maternité est cette inquiétude interieure que l’on ne peut pas montrer

AUDREY HEPBURN

« Je suis fatiguée; je suis la pire des mères; j’en ai marre; je n’y arriverai jamais; si j’avais su; est ce qu’il évolue bien... », combien de fois nous sommes nous dit ces phrases plus que « je vais y arriver; c’est pour moi; je suis une bonne mère et j’assure« ? Etions-nous loin de nos enfants à ce moment là ou sous le même toit? La majorité était bel et bien présente physiquement mais cela n’empêchait les doutes sur tout les plans et le fait qu’en général nous avions des ainé.e.s qui venaient nous donner un ou deux conseils voire un coup de main, continuant par là même leur propre rôle de parents. La parentalité (la maternité pour ce qui me concerne) est donc l’apprentissage de toute une vie, l’apprentissage de la vie; la présence physique ou non n’y change pas grand chose (sauf le contact physique et la fatigue.. LOL).

Suis-je maman parceque je l’ai mi au monde et je l’aime plus que tout ou suis-je pour le moment mere et sa maman c’est une autre? La question se pose. On devrait avoir le courage de se poser les questions difficiles et par extension accepter les réponses que la vie nous donne. En tant que parent nous ne faisons que ca nous poser des questions. Les deux plus importantes pour moi apres la venue au monde de Mister-Man (nous l’appellerons comme ca en hommage à l’un de ses arrière-grand-pere) etaient: qu’est ce que je veux pour lui et qu’est ce que je veux pour moi. Parceque je suis partisante du « practice what you preach, or at least try » et que je me connaissais suffisamment au départ (les forces et faiblesses), je savais que je n’allais pas abandonner mes reves (ceux que j’ai bati pour moi, ceux que mes ainé.e.s ont bati à travers moi et ceux qu’un jour il osera faire parceque je lui ai montré que c’etait possible pour nous aussi). Je souhaitais qu’il (et ceux nés en meme temps que lui dans nos familles) nous voit comme des parents mais aussi comme des etres humains, la préservation de notre santé mentale était une priorité pour nous disposer à les accompagner au mieux. Ces enfants devaient nous voir rire et etre moins bien, dormir ou avoir des activités en dehors d’eux, mediter…etc, autant que de percevoir notre amour absolu pour eux. Avant sa venue le contexte social et académique me demandait d’oser l’ailleurs et rien n’avait changé de ce point de vu là, je partirai donc; la seule question était avec ou sans lui? La réponse était SANS.

Celà n’a pas été aussi aisé que lorsqu’on l’écrit noir sur blanc. Je résume ici 18mois de tergiversations, d’envie de laisser tomber mon projet, de pour et de contre; tout ceci pendant que mon corps se remettait d’une grossesse plus que difficile, que je menais de front ma carrière et mon apprentissage de la maternité. Le turning-point a été quand les prémices de sa personnalité/ses besoins ont commencés à se révéler et que j’ai eu toutes les informations sur ce que mon projet de formation me couterait tant financièrement que physiquement et moralement. Il fut évident dès lors qu’il valait mieux un environnement propice pour lui, surtout une mère plein temps un peu loin qu’une maman proche mais absente. Il était mieux à mon sens de ne pas promettre ce que je ne pouvais lui offrir à ce moment là en restant moi-meme mais plutot chercher comment le lui offrir autrement.

Ainsi commença ma vie de mère à distance. Le parcours n’a pas été aisé loin de la, les embuches ont été plus nombreuses que les lettres du mot. Le sentiment de culpabilité… On ne s’en départi jamais. Il reste chevillé au corps comme un poux sans remède efficace. Le Manque de son enfant est comme un gouffre au creux de son âme que le temps et la réalité qu’on donne le meilleur à son enfant comblent en partie. Le meilleur pour son enfant ce n’est pas forcément soi-même à toutes les étapes de sa vie. Le meilleur c’est de l’amour inconditionnel, la vérité sur son histoire et la notre (de mettre des mots sur le non-abandon pour lui comme pour nous-même parent), un cadre socio-familial stable, des figures paternel et maternel aimants et bienveillants, la possibilité de découvrir le monde et faire ses expériences et surtout la réponse à ses besoins spécifiques. La présence physique d’un ou des deux parents tant que cela n’est pas comblé ne sera pas forcément la panacée.

Une mère, c’est vaste comme le monde. Elle est l’univers de chaque enfant qu’elle a porté. Un univers unique qu’elle a inventé à chaque maternité.

Pierre Karch

Plus de 3ans et demi après l’avoir confié, je peux oser dire que nous avons trouvé un équilibre tout les deux, comme toutes les parties prenantes d’ailleurs; car il est évident que rien n’est possible sans aide à la parentalité. En terre africaine, il est dit que l’enfant c’est l’enfant du village, il faut toute une communauté pour en faire des Hommes. Le confiage a toujours existé (sous différentes formes selon les besoins) et existera toujours dans le fond. En réalité vous le mettez au monde mais il s’appartient d’abord à lui-même puis il appartient à une lignée dont vous n’êtes pas l’unique dépositaire et enfin à une époque qui n’est plus véritablement la votre et dans laquelle vous ne pouvez que l’accompagner. Il est un etre à part entiere, sa venue et sa survie ne dépendent au final que tres partiellement de nous. Notre role est surtout de leur faciliter la tache dans cette expérience qu’est la vie et leur donner le bouclier pour avancer protégés. Etre parent à distance tot dans la vie de son enfant et dans son apprentissage parental nous enseigne vite ces considérations dont d’autres ont conscience mais qu’ils ne mettront en pratique malgré eux que plus tard, peut-être à l’adolescence.

Du haut de ma petite expérience désormais équilibré et paisible, je dirai qu’il faut quelques pré-requis (et quelques astuces) pour que cette forme de confiage de plus ou moins courte durée marche au mieux:

  • Une réponse à la question: Pourquoi a t’on choisi d’être parent. (Je vous laisse avec cette réflexion très complexe et souvent déstabilisante; nous y reviendrons peut-être dans un autre article si vous le demandez en commentaires ici ou sur instagram)
  • Une bonne connaissance de soi-même : nos capacités et nos failles/limites, nos besoins réels ou à venir. Personnellement je sais que j’ai toujours aimé les enfants et leur bien être qu’ils soient miens ou pas est primordiale; mais je me sais aussi dans l’incapacité physique et mentale d’engager H24 une énergie positive envers eux ou envers qui que ce soit d’ailleurs, j’ai besoin de temps de retraite réguliers et parfois tout les jours. Avoir avoir de l’aide dans ses moments là pour moi allait de soi.
  • Faire le choix de sa philosophie de vie, la mienne « Practice what you preach or die trying ». Je lui montre l’être humain que je suis, que je grandis toujours. Qu’il peut se référer à moi mais que je cherche moi-aussi la voie. Que l’Amour n’est pas conditionné par le physique et ne meurt pas. Et surtout qu’il peut oser poursuivre ses rêves (en prenant ses responsabilités). Je l’aime à l’infini mais je ne suis pas sa seule source d’amour, il a été désiré et porté par toute une communauté.
  • Un dialogue permanent sur l’enfant avec les figures parentales de substitution et que celles-ci soient impliquées. Pas besoin que ce soit quotidien mais ca peut l’être si le besoin se fait sentir d’un coté ou de l’autre. Connaitre aussi les besoins des adultes impliqués, leurs rêves et aspirations permet d’anticiper sur un éventuel changement de situation pouvant nécessiter un ajustement dans le suivi de votre enfant ou encore une modification radicale de vos projets. La parentalité c’est la vie et dans la vie la seule chose constante c’est le changement, il faut être capable de toujours s’adapter. Vous êtes la personne qui trouve des solutions et non qui crée des problèmes.
  • Une confiance en soi, en son enfant et dans les figures parentales de substitution que l’on se choisi: je les appelle « Les Suppléants ». Quand le député n’est pas là (mission, autres fonctions, décès), les suppléants gèrent les affairent courantes en droite ligne de la politique établie en amont (avec parfois leur touche personnelle, c’est le prix à payer). C’est pareil. J’ai donc l’avantage d’avoir déjà choisi de facto mes co-parents sur presque chaque continent et d’avoir déjà vu certains à l’œuvre. Bien évidement il y’a toujours la principale figure maternante qui joue ce rôle et je l’en remercie. Ces personnes doivent être évidemment volontaires, matures et ouvertes (et vous aussi): pour vous aider à garder votre image de parent de l’enfant vivante, être à votre écoute mutuelle et accepter la place importante que cette personne prendra dans la vie de votre enfant et donc la votre. Autrement ca ne saurait marcher.
  • Une connaissance de son enfant et de ses besoins spécifiques et savoir qu’ils évoluent avec le temps (ai-je besoin d’expliquer?): pour des raisons que j’ai expliqué dans de précédents articles (lire le blog), le mien avait besoin de repères stables et rassurants, de la compagnie d’autres enfants de son âge pour le stimuler à dévoiler toutes ses capacités. Ce que je ne pouvais lui offrir, mais sa maman suppléante oui (qui pour la précision est aussi ma mère).
  • Avoir une vision claire de la raison/des raisons du confiage ponctuel: s’il s’agit d’un projet précis, il doit être défini et circonscrit, permettant ainsi de mieux se projeter dans sa parentalité et gérer les moments ou la séparation est plus difficile
  • Etre en capacité de pallier à son absence physique et créer une complicité avec son enfant (la technologie est venue nous sauver): la parole libre est de mise, être à l’écoute de son rythme et ce qu’il veut exprimer. S’assurer de mettre des mots clairs et simples sur votre histoire et ne jamais mentir. Avoir des rituels ensemble par exemple, soit lors des appels ou avec ses affaires.
  • Pouvoir créer des moments de rencontres physiques réguliers (dont la durée et le rythme dépendent du contexte de chacun): Dans son environnement comme dans le votre. Cela ancrera dans l’esprit du plus petit la réalité de ce dont vous lui parlez; les situations et les lieux seront réels pour lui car feront parti de ses souvenirs que l’on peut raviver à volonté. Vous entrez de manière concrète dans le quotidien de l’un et de l’autre et ce dont vous parlez est une réalité palpable pour lui. Désormais Mister-Man sait ce que je veux dire quand je dis « je vais prendre l’avion pour venir te voir et ca va prendre du temps » ou « je fais le Docteur, je viendrais quand j’aurais les vacances »; d’ailleurs il anticipe déjà « tu ne dors pas pourquoi? Tu fais le Docteur à l’hôpital? », « il faut porter ton masque après tu prends l’avion tu viens »… L’intégrer dans votre quotidien et vice-versa

Le rôle du parent est de soutenir son enfant dans les efforts qu’il fait pour trouver ses propres réponses

Adèle Faber

Nous créons notre « normalité » et notre bien-etre mutuel, nous avons une relation d’humain à humain qui permet aux besoins de chaqu’un d’etre un minimum assouvis. Ma responsabilité d’adulte est d’y veiller jusqu’à ce qu’il soit en mesure d’y participer. La distance et le confiage nous enseigne l’adaptabilite (avant, pendant et apres), l’acceptation de aide des autres (adultes et enfants) et leur role inevitable dans le devenir/apprentissage de notre enfant, le recul et le laché-prise, la capacité de choisir ses combats, la résilience…

Lui (là haut en blanc), ma mère et moi Dans mon univers

Cas pratique: j’ai preparé sa premiere rentrée au primaire à distance. Ma mere a fait les courses pour ses fournitures et me les a montré (depuis des années qu’elle fait ca je ne vais pas venir discuter son expertise sur la question, et ce n’est pas un cahier rouge plutot qu’un bleu qui changera sa vie). On a convenu ensemble qu’il lui fallait une tenue neuve (pour marquer le coup et parcequ’il pousse comme un champignon). Il a été rasé de pres et préparé depuis 2 semaines au fait que la rentrée scolaire arrive et qu’il fera sa rentrée avant son cousin sans que j’ai besoin de le faire (les suppléants plus valables que la titulaire). Mon role? L’appeller comme d’habitude, le laisser me raconter toutes ses nouveautés et péripéties, me dire qu’on doit le filmer pour m’envoyer (vous voyez il anticipe le fonctionnement déja tout seul). Mieux je lui rappelle qu’il est intelligent, beau, que sa tenue sera superbe, qu’il aura un.e nouveau maitre/maitresse et de nouveaux amis, que je suis fière de lui et que je viendrais bientot pour l’accompagner à l’ecole quelques jours. A la recommandation « soit sage », la réponse: « je suis sage depuis hein… » et il a fait le rituel d’aurevoir de sa propre initiative. Que demander de plus?

Pour le update: La rentrée scolaire c’était aujourd’hui, après 6mois de COVID19. La journée s’est bien passée, il est 20h et il mange une pizza fait maison.

La parentalité arrive dans nos vies comme un tsunami, à nous de diriger son énergie pour qu’elle nous construise au lieu de nous détruire. Il y’a pas de parentalité normale, il y’a que la parentalité que nous nous construisons.

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